Le design peut-il sauver l’industrie ?
«Oui !», répondait sans hésiter Anne-Marie Boutin, présidente de l’APCI (Agence pour la promotion de la création industrielle). « Et même, elles le doivent ! ». S’appuyant sur une étude du Danish Design Council, Anne-Marie Boutin rappelait que les entreprises qui intègrent le design sont à la fois plus innovantes et plus performantes. En sera-t-il de même après la crise sanitaire et économique mondiale que nous traversons ? Les industriels français ont-ils rattrapé le retard constaté il y a 4 ans et adopté le design industriel pour regagner des parts de marché ?
Tels sont les enjeux qui se dessinent à l’horizon d’une période perturbée et incertaine. Aussi, il nous a paru essentiel de souligner les perspectives positives qu’offrent les solutions de design et de simulation dans la conception des produits du futur. En effet, les études le confirment, les entreprises qui sont au top du design (les 25% les plus avancées en la matière) ont des performances deux fois supérieures à la moyenne des autres, notamment en croissance du chiffre d’affaires et de rémunération des actionnaires (d’après un rapport publié par Mc Kinsey en octobre 2018). Ce gain de performance est directement inspiré des « Lean Start-Up » qui ont rendu populaires les méthodes du test en mode prototype et de l’itération en continu. Et pour tester et itérer, quel meilleur moyen que la simulation ?
Ces méthodes sont également au cœur de l’innovation en France. Alors, si comme le soulignait Anne-Marie Boutin, « tout le monde connaît l’exemple de Décathlon, dont les centres de design sont décentralisés sur les lieux d’exercice du sport, ce qui permet à la marque de comprendre les contraintes de vente des produits et au designer d’être pertinent dans sa conception », les exemples de réussites industrielles françaises sont nombreux et méritent d’être mis en avant.
Mais qu’en pensent les designers ? Sont-ils encore considérés et quelle est leur place dans la société actuelle ?
« Je pense que le design industriel a une vocation sociale : ne pas faire mode et s’adresser au plus grand nombre, avec des séries industrielles pour produire des produits accessibles à tous. Ces produits doivent rendre des services pérennes, durables et en bout de cycle être recyclables. Toutes ces composantes du produit, le design les prend en compte et essaie de les mettre en œuvre. » déclarait Jacques Noël, designer français (auteur de « Design l’imposture », qui a débuté aux côtés de Roger Tallon et a travaillé pour les marques SEB, Air Liquide, RATP ou Look, par exemple).
Autre point de vue, autre vision du monde avec la célèbre designer française Matali Crasset, qui répondait à une question sur la part d’influence des artistes contemporains sur ses recherches et ses travaux dans une interview pour Slash Magazine, : « Un de mes moteurs est la curiosité. Sans doute, avant l’art, les sciences sociales sont pour moi un matériel riche. Chaque projet est l’occasion d’approfondir des connaissances. Marc Augé, dans un texte, m’a qualifiée d’anthropologue du design, c’est une définition à travers laquelle je me reconnais. Mon design passe par la fine observation de la vie et des scénarios. »
Alors le design trouve-t-il son équilibre entre mouvement d’inspiration artistique ou au contraire, atout majeur du développement pour le monde industriel ? Pourquoi nos jeunes diplômés en design industriels sont-ils recrutés partout dans le monde de Hong-Kong à la Silicon Valley ?
« Le fait d’être française, mais d’avoir aussi étudié le design italien et le design scandinave, me donne des atouts culturels qui valent cher sur le marché », explique par exemple Selma Durand, recrutée par le studio new-yorkais IDEO.
Une autre designer française, Inès Le Bihan, 26 ans, s’est installée sur la scène internationale du design. En 2014, après sa formation à l’Ecole de design de Nantes-Atlantique, Inès est repérée comme une des jeunes inventeurs les plus doués par James Dyson, lui-même.
Elle vit désormais à Mountain View, embauchée par la marque HTC, et travaille pour Huami, une marque chinoise de fitness. « Dans la Silicon Valley, les designers français sont très recherchés. Les marques installées ici sont prêtes à prendre des risques en design pour sortir des produits fous, il y a donc une émulation. »
Mais au-delà de la culture, du talent créatif, quels sont les outils de travail des designers ? Pourquoi sont-ils devenus des fervent supporters de la simulation ? N’est- ce pas également le meilleur moyen pour réduire les risques ?
Retour sur les avancées du design industriel : la simulation pour valider l’expérience créative !
Contraints à la fois par le temps et les ressources financières, le designer industriel a recours aux logiciels de simulation numérique, comme par exemple Solidworks. En effet, la simulation numérique garantit une meilleure prise en compte et des modifications plus aisées et plus fluides des paramètres du produit et de l’environnement dans lequel il évolue. On teste ainsi plus facilement les innovations, les concepts et on les optimise en réalisant des économies sur les matériaux employés. On pourra plus tard optimiser également les process de fabrication et la durée de vie des produits. Au lieu de recourir à des prototypes pour des mises en situation physique, le recours à la simulation économise ainsi du temps et de l’argent.
L’analyse d’un produit ou même d’un procédé de fabrication, peut concentrer les recherches sur un seul aspect, un seul comportement physique dans beaucoup de simulations. Le designer peut avoir besoin d’une vérification rapide. Mais en se rapprochant de la simulation réaliste, l’expert est alors capable de réaliser des analyses complexes, de faire moins d’hypothèses, pour des résultats plus robustes, plus fiables et qui représentent réellement le comportement des produits. La simulation devient dans ce cas, un prototype à part entière et permet d’atteindre des performances optimales.
Mais au-delà de la performance technique apportée par les solutions de simulation numérique, les bénéfices se mesurent aussi dans la collaboration entre les équipes (designers, ingénieurs, techniciens, etc) et par leur montée en compétences. Non que tout le monde devienne designer de produit, ou créateur d’innovation mais parce que la simulation rend concret l’ensemble des actions de tous et toutes. Le design prend alors une dimension transversale et même sociale dans l’entreprise, comme que le revendique Jacques Noël.
Dans une période d’incertitude, l’ambition créative des sociétés industrielles ne doit pas fléchir. L’innovation doit au contraire, leur permettre d’aller de l’avant et de projeter leurs clients vers de nouvelles expériences. Parvenir plus vite et plus efficacement à ses nouveaux horizons nécessite le plus souvent de redéfinir les objets, les environnements dans lesquels nous évoluerons demain, afin de passer à une autre ère, une autre vision du monde. Le design est alors une façon d’envisager la suite, sans renier la culture, ni une certaine approche du beau, mais en étant totalement tourné vers une meilleure expérience pour le bien de la communauté.
Gageons que les industriels français auront à cœur de relever ces défis qui les attendent et qui feront de notre nation un leader de l’innovation !
Sources :
Site Visiativ : https://www.visiativ-solutions.fr/simulation-numerique-definition-enjeux/